Les ostéochondroses du jeune sportif

Les ostéochondroses de croissance, également appelées ostéochondrites ou apophysites sont une pathologie de surmenage mécanique des zones de croissance de l’enfant et de l’adolescent. Elles représentent 80% des microtraumatismes chroniques de l’enfant et de l’adolescent.
Il faut appréhender les microtraumatismes chroniques que le sport inflige aux corps des jeunes sportifs. L’enfant et le jeune adolescent sont une mosaïque de cartilages de croissance ; a fortiori, la pathologie microtraumatique de l’enfant sportif sera une pathologie du cartilage de croissance. On dit d’ailleurs que les ostéochondroses sont à l’enfant ce que les tendinites sont à l’adulte.

La notion de surentraînement est souvent pointée du doigt dans les cas d’ostéochondroses. Il est défini comme l’effort dont l’intensité, le rythme, la durée sont tels que les possibilités physiologiques d’adaptation de l’organisme sont dépassées et que l’équilibre général de l’enfant est rompu. Cette notion d’équilibre est capitale : tel enfant peut pratiquer quatre heures de sport extra-scolaire par semaine et être surmené, tel autre peut pratiquer vingt-cinq heures par semaine et ne pas être en situation de surentraînement, c’est-à-dire ne présenter aucun signe de déséquilibre. Heureusement, le sport pratiqués par les jeunes enfants n’est au début qu’une activité de loisir ou d’entretien à caractère ludique qui occasionne exceptionnellement des traumatismes aigus. Les pathologies d’hyperutilisation sont inexistantes. A l’âge de la pré-adolescence, le sport féminin et masculin s’individualise. Les filles et les garçons concourent chacun de leur côté. Les pathologies d’hyperutilisation restent cependant rares jusqu’à l’âge de 10 ans. C’est alors que le nombre d’heures d’entraînement s’accroît de manière souvent trop rapide. Petit à petit, l’esprit de compétition se forge de plus en plus dans l’esprit des petit(e)s sportifs « en herbe ». Le nombre d’heures d’entraînement s’accroît alors de manière souvent trop rapide. Certain(e)s sportifs peuvent s’entraîner jusqu’à plus de vingt heures par semaine. Pendant cette période pré-pubaire, les pathologies de l’appareil locomoteur liées à la croissance sont fréquentes, notamment les ostéochondroses.

Dans beaucoup de sports, les ostéochondroses s’installent sous l’effet de microtraumatismes répétés induits essentiellement par :

  • La pratique intensive et le nombre d’heures d’entraînement par semaine.
    Les sportifs de haut niveau s’entraînant parfois plus de 20 heures chaque semaine.
  • Un entraînement mal programmé avec des gestes répétitifs (sauts, lancers).
  • les troubles statiques plantaires.
  • un âge osseux moins mature par rapport à une population non sportive.
  • un retard de la puberté chez les deux sexes. C. JAFFRE observe lors de son étude que les sportifs ont une maturité sexuelle inférieure par rapport à une population non sportive du même âge (coefficient de Tanner : 2,04 contre 4,98)

Les ostéochondroses touchent essentiellement les membres inférieurs, les localisations possibles sont nombreuses :

  • Le pied avec la maladie de Sever(calcaneum postérieur), la maladie de Köhler Mouchet (os naviculaire tarsien), la maladie de Freiberg (deuxième tête métatarsienne), la maladie de Renander (os sésamoïdes du gros orteil) ou encore la maladie d’Iselin (base du 5e métatarsien).
  • Le genou avec la maladie d’Osgood Schlatter (tubérosité tibiale antérieure), la maladie de Sinding-Larsen (pointe de la rotule).
  • Le rachis avec la maladie de Scheuermann (épiphyse vertébrale).

Elles représentent une des grandes causes d’arrêt du sport, définitif ou temporaire. Durant la carrière d’un sportif, ces atteintes sont mal acceptées et il faut toute l’autorité et la rigueur des thérapeutes pour imposer une directive thérapeutique sans concession ni demi mesure, mais évitant si possible une trop grande indisponibilité qui pourrait briser une carrière prometteuse.

Le diagnostic est avant tout clinique !

Il est évoqué devant un enfant ou un jeune adolescent actif, en bonne santé, qui pratique un sport agressif : football, danse, tennis, basket, roller, gymnastique, patinage...

La douleur est de rythme mécanique : maximale le soir, elle est calmée par le repos nocturne. Une brève période de dérouillage matinal est fréquente, mais il n’y a pas de réveil douloureux nocturne, à moins d’une crise très aiguë.

La douleur est bien reproduite à l’examen : palpation et surtout percussion dans une zone précisément limitée. Parfois une tuméfaction dure est visible (tubérosité antérieure du genou pour la maladie d’Osgood Schlatter). La contraction résistée du muscle qui s’insère au point concerné est douloureuse.

Les examens complémentaires

Ils ne sont pas demandés de manière systématique, car les simples données cliniques dans un contexte sportif suffisent au diagnostic. Si ce n’est pas le cas, une radiographie standard de la zone douloureuse concernée s’impose. Ce type d’examen présente deux intérêts : d’une part, il permet d’écarter une autre affection, tumorale ou infectieuse, d’autre part de rechercher la zone d’ossification anarchique.

L’interprétation radiologique reste souvent difficile chez l’enfant. Décalcification, fragmentation, irrégularité du noyau apophysaire, noyaux d’ossification accessoires peuvent être rencontrés en dehors de toute symptomatologie et témoignent seulement de la très grande variabilité d’ossification des apophyses. C’est pourquoi, il est important de s’intéresser à la corrélation entre les symptômes cliniques et les images radiographiques. Ainsi, certaines images identiques seront parfois interprétées comme des variantes de la normale en l’absence de douleurs, ou comme des images d’ostéochondroses s’il existe un syndrome douloureux.

Si l’enfant présente une douleur chronique mal définie, associée à un bilan radiographique normal, la scintigraphie sera très utile. Elle permettra par exemple d’éliminer ou d’affirmer la présence d’une fracture de fatigue. Enfin, les autres examens para-cliniques (biologie, scanner, IRM) ne seront demandés que pour confirmer une orientation diagnostique.

Le traitement

Supprimer les contraintes mécaniques !
Il faut agir de manière rapide, graduée mais efficace.
Il n’y a pas de place pour les anti-inflammatoires ni pour les infiltrations !

Au niveau du pied, les orthèses plantaires moulées sont de grand service et trouvent leurs meilleures indications chez l’enfant : amortissement du talon par un matériau visco-élastique, correction du valgus calcanéen pour soulager le naviculaire tarsien, barre rétro-capitale de décharge pour les atteintes antérieures, logette au bord externe de la semelle pour soulager la base du 5ème métatarsien. Pas de saut, pas de course, ...le repos sportif est de mise mais le vélo et la natation restent autorisés. En cas d’échec des premières mesures, il ne faut pas hésiter à faire une immobilisation de quelques semaines. Le résultat est généralement spectaculaire. Au genou, la maladie d’Osgood-Schlatter exige un repos sportif dont la durée devra être appréciée par son médecin du sport. Plus on retarde les mesures appropriées, plus longue sera l’évolution, avec un risque de complications : saillie disgracieuse sous le genou, séquestre intra-tendineux et, au pire, un arrachement de l’insertion du tendon rotulien qui compromet fortement l’avenir sportif de l’enfant. Au niveau du rachis, les contraintes antérieures doivent être combattues : d’abord de manière active, par un renforcement musculaire en extension. On se donne 2 mois pour juger de son efficacité. Si l’effet est insuffisant, on propose un traitement orthopédique par un corset anti-cyphose, pour une durée limitée de quelques mois. Le soulagement est généralement observé dès le premier mois. On peut alors autoriser une reprise sportive partielle, en évitant les sauts répétitifs et les exercices en flexion ou rotation forcée.

Enfin, les indications chirurgicales sont exceptionnelles : en cas d’arrachement, ou bien après 15 ans, pour l’ablation d’un séquestre intra-tendineux resté douloureux alors que les cartilages de conjugaison sont soudés et ne peuvent plus être incriminés.

Notes

JAFFRE C., COURTEIX D., DINE G., Activité physique et remodelage osseux : étude chez une population de jeunes gymnastes et sport, in science et sport n°6, volume 16, 2001, pp 321-322
PERSONNE J., Aucune médaille ne vaut la santé d’un enfant, Paris, Denoël, 1987, 276 p.